mardi, janvier 03, 2006

Le 17 avril Triacastella. Georges le loyaliste

O Cebreiro- Triacastella
22 km à 134 km de Compostelle

Ce matin, il y a une fine couche de neige qui couvre le sol et un épais brouillard. Je ne suis pas un grand navigateur, je suis plutôt du genre à me laisser conduire. Quand je suis à la maison, je laisse toujours Suzie, ma blonde, conduire l’auto parce que je déteste chercher mon chemin. Alors, ce n’est pas facile pour moi de marcher dans le brouillard; je ne vois pas les flèches jaunes et je dois deviner la route. Mais la bonne nouvelle, c’est que je descends, je vais bien finir par sortir de ce nuage.


Je marche sur la crête de la montagne, le brouillard se dissipe, j’admire les paysages qui sont d’une grande beauté.

Je décide de prendre une pause, j’entre dans un café. Assis à une table, en train de prendre son café, Claude me dit: ¨voilà les grands esprits qui arrivent.¨ Claude est un homme d’expérience beaucoup plus cultivé que moi, je sais qu’il dit cela pour me faire savoir qu’il m’apprécie comme personne. C’est réussi, cela me fait plaisir.


Je reprends la route. Il ne me reste que quelques kilomètres pour arriver à Triacastella. Un hommede mon âge, dans la fin trentaine, me salue. Cet homme a quelque chose de particulier. La plupart du temps, il est difficile de juger les personnes par la manière dont ils s’habillent, car nous avons tous, plus ou moins le même habillement. Vous pouvez parler à quelqu’un de riche ou de pauvre, c’est très difficile de faire la différence. Par contre, cette observation ne s’applique pas à cet homme. Au premier regard, je sais qu’il est riche, bourgeois, cultivé et bien éduqué. C’est un aristocrate défenseur des droits de la reine d’Angleterre. Il adore son pays. Je vais le nommer Georges le loyaliste.

Alors, Georges le loyaliste me raconte qu’un jour qu’il travaillait en Afrique, il a rencontré des Canadiens français qui ne voulaient pas se faire appeler Canadien, mais préféraient se faire appeler Québécois. Les Canadien français n’aimaient pas Georges parce qu’il refusait de les appeler Québécois.

Je lui explique que le terme" Canadien français" a un sens très large. On peut être Canadien français et venir de la Colombie-Britannique, du Manitoba ou de l’Ontario. Que certaines personnes préfèrent se faire appeler Québécois parce ce que cela représente davantage ce qu’ils sont . C’est un terme plus précis. Si tu veux, un Québécois c’est un Canadien français qui vit au Québec. Il y a même des Acadiens qui sont des Canadiens français qui vivent au Nouveau-Brunswick.

Évidemment, il ne comprend pas mon intervention. Le reste du voyage, il m’appela ¨the french Canadian. ¨

J’ai droit à un cours d’histoire. Il m’explique d’où je viens et que si le Québec parle encore français, c’est grâce à l’Angleterre. Je l’écoute sachant que toute argumentation avec lui est inutile. À un moment donné, je me demande si ce n’est pas satan en personne. J’ai envie de regarder s’il a des cornes sous son chapeau. Je suis quand même fier de moi, je trouve que je suis pas mal zen, il n’y a pas si longtemps, je l’aurais probablement attaché à un arbre.

Puis, Il me parle de la guerre en Irak. Pas de commentaire, sauf celui que j’en bous encore et que j’ai survécu à cette dure épreuve !

Nous arrivons à Triacastella, Georges s’en va rester à l’hôtel. Je remercie l’Angleterre d’avoir laissé le Québec parler français et je vais à l’auberge des pèlerins.

Je l’aime quand même ce George le loyaliste. Moi aussi, j’ai commis l’erreur d’aimer mon pays comme on aime une femme.

Je me rends compte que si tu peux aimer ton pays, ton pays , lui ne peut pas t’aimer. Aimer un concept c’est comme aimer une roche. C’est une relation à sens unique. Il n’y a pas plus d’échange entre la relation que tu as avec ton pays que celle que tu pourrais avoir avec une roche. La roche ne peut pas t’aimer parce que c’est une chose inerte. Le Québec ne peut pas t’aimer parce que c’est une chose inerte. On ne peut prendre le Québec dans ses bras et lui dire qu’on l’aime. Le Québec ne répondra pas. C’est une chose inerte, morte. Le Québec n’est pas une entité vivante.

Alors je trouve stupide qu’on puisse aimer toutes choses ou concept qui n’est pas vivant. Aimer une auto, des bijoux, un pays, une idée ou un concept, c’est impossible. Parce que, pour moi, l’amour c’est une relation entre des êtres vivants qui réagissent entre eux .

Je vais plus loin dans ma réflexion. Je pense qu’avoir la foi, c’est croire que Dieu n’est pas un concept inerte inventé par les hommes mais une entité vivante. Il y a un échange entre moi et Dieu. L’homme aime Dieu et Dieu aime l’homme. S’il n’y a pas d’échange entre les deux, alors il n’y a pas de Dieu vivant. Et si Dieu est un concept inerte sans vie qui ne peut être rejoint alors Dieu est mort. Et les croyants sont les esclaves d’un concept mort qui est sans amour. Ils sont donc manipulés par les inventeurs du concept Dieu.

Par contre, si Dieu est vivant et qu’il y a une relation avec l’être humain, alors la porte est ouverte à une relation unique remplie d’étonnement et d’émerveillement.

Je suis reconnaissant à Georges le loyaliste d’avoir provoqué ces réflexions en moi. Je ferme les yeux et m’endors profondément.